Égalité, partage, coopération : la France doit ouvrir une nouvelle page de ses relations avec le continent africain

Face aux multiples défis auxquels fait face le continent africain et qui concernent pleinement la France et l’Europe, il y a urgence à retrouver un terrain d’entente et à travailler ensemble. 

Les relations de la France avec les pays du Sahel sont au plus mal – et en réalité difficiles avec la majorité des pays ayant appartenu à l’empire colonial français. Le constat s’impose avec acuité, alors que le coup d’état survenu au Niger et les échanges acrimonieux avec les autorités françaises qui ont suivi commencent à ressembler à un scénario tristement familier. 

Cette situation résulte d’une pluralité de facteurs : héritage mémoriel de la période coloniale mal soldé, ressentiment des jeunes générations face aux pratiques de la « Françafrique » qui ont longtemps perduré et dont les signes rappelant ce legs historique sont désormais rejetés en bloc, sentiment d’un « deux poids, deux mesures » dans le traitement des crises internationales par les Occidentaux, frustration face aux politiques migratoires restrictives adoptées par les pays européens… Les griefs adressés à la France sont nombreux. 

Notre pays et les États d’Afrique de l’Ouest possèdent pourtant des liens séculaires, qui reposent bien sûr sur l’Histoire, mais aussi sur la langue, la culture et la proximité géographique. Mais force est de constater que, en Afrique francophone et au Sahel en particulier, la France fait désormais figure de bouc-émissaire face aux maux que connaît la sous-région. Surfant sur les discours nationalistes en vogue, la Russie, à travers les réseaux et financements d’Evgueni Prigojine, déploie toute la gamme de son savoir-faire en matière de propagande pour diffuser mensonges et contre-vérités sur les réseaux sociaux. Ce discours de dénigrement, qui vise les pays occidentaux et la France au premier chef, trouve un écho auprès de populations déjà épuisées par l’insécurité, le manque de perspectives économiques et l’injustice ressentie face à la violence et à la corruption. 

Or, face aux multiples défis auxquels fait face le continent et qui concernent pleinement la France et l’Europe, il y a urgence à retrouver un terrain d’entente et à travailler ensemble. 

Adaptation face au changement climatique, réponse face à la persistance des groupes djihadistes, intégration des dynamiques migratoires entre nos deux continents… 

Agir de concert et coordonner nos efforts apparaît comme un impératif pour espérer parvenir à une réponse efficace, face à des enjeux par définition transfrontaliers.

Cela implique tout d’abord de poser de nouvelles bases aux relations franco-africaines : le respect, la réciprocité et la recherche de l’intérêt collectif sont des principes qui doivent guider notre action, pour viser à une coopération qui soit mutuellement bénéfique. 

Le gouvernement français s’est attelé à différents travaux visant à revoir sa stratégie avec l’Afrique. Ces efforts sont bienvenus, mais il faut aller beaucoup plus loin. Combattre la désinformation et les mensonges qui visent injustement la France doit bien sûr rester un impératif, mais les efforts doivent aussi porter sur la définition d’une vision positive de la relation avec les pays africains, source d’intérêt et d’enthousiasme pour les populations.  

Il est notamment essentiel de soutenir les pays qui souhaitent orienter leur économie vers un développement durable, d’une part en soutenant des projets basés sur la résilience des écosystèmes et la durabilité des ressources, et d’autre part en mettant en lien nos concitoyens autour de cet objectif. Ces projets pourraient ainsi permettre la mise en place de coopérations décentralisées (comme le font déjà certaines régions françaises avec des régions africaines), donnant lieu à des partages d’expérience et à des échanges de savoir-faire dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, de la gestion de l’eau ou encore du recyclage des déchets. De tels échanges sont susceptibles de bénéficier à tous les citoyens, de part et d’autre de la Méditerranée, et de contribuer à retisser les liens entre nos sociétés. 

Il s’agit aussi de travailler avec les acteurs de la société civile qui œuvrent, chaque jour, à faire vivre la démocratie dans leurs pays respectifs : au Burkina Faso, au Sénégal, en République démocratique du Congo, en Tanzanie ou encore en Afrique du Sud, des organisations citoyennes travaillent ardemment à défendre le droit à la liberté d’expression, la liberté d’informer, et à promouvoir l’accès à la justice, autant de perspectives de coopération avec nos institutions et le tissu associatif français. Les femmes sont particulièrement à la pointe de ces efforts, notamment en faveur de l’accès à l’éducation et de l’autonomisation des jeunes filles ; une coopération accrue dans ce domaine répondrait à une réelle demande sociale, là aussi largement partagée.

En outre, alors que la pratique du français apparait en recul dans les apprentissages sur le continent, il est urgent de proposer une offre renouvelée pour la francophonie. Pourquoi ne pas par exemple, proposer la mise en place d’un programme d’échange universitaire dont pourraient bénéficier  étudiants africains et européens, sur le même modèle qu’Erasmus. C’est ainsi que les liens culturels et linguistiques pourront perdurer et se renforcer. 

Enfin, une relation renouvelée aux pays africains suppose de faire évoluer le rapport asymétrique donneur – receveur pour laisser place à une relation basée sur le partenariat et la reconnaissance des intérêts de chacun.  Pour espérer redorer son blason et redevenir attractive aux yeux des pays africains, la France doit poursuivre et amplifier ces efforts.